Quelques heures de navigation nous emmenèrent dans l'île la plus au Sud des Marquises du Nord.
Ua-Pou, située à vingt cinq miles au Sud de Nuku-Hiva, est une île très montagneuse, le mont Oave la culmine à mille deux cent mètres.
Une chaîne de pitons basaltiques en forme de pains de sucre encercle la baie d'Hakahau et la capitale éponyme.
Sa surface est de cent cinq kilomètres carrés, soit huit miles de long par six miles d'Est en Ouest. Le relief escarpé surplombe les vallées verdoyantes bordées de criques rocailleuses dans lesquelles viennent s'écraser violemment les vagues du large.
De nombreuses plantations de nono (ou noni) dont le nom scientifique est le morinda citrifolia, permettent aux habitants de cultiver ce fruit et d´en extraire le jus. Cette plante médicinale de la culture traditionnelle polynésienne renfermerait des substances immunostimulantes pouvant protéger l'organisme contre les maladies dégénératives et retarder le vieillissement. Ceci dit, l'Union Européenne n'ayant pas accordé d'agrément pharmaceutique, le jus de nono est seulement vendu tel quel ou sous forme de capsules dans le cadre de la législation alimentaire en Europe mais comme complément alimentaire aux U.S.A.
Le copra, la fabrication de monoï, la pêche, la chasse, la production de nombreux fruits et légumes sont autant d'activités qui monopolisent enfants, parents et grands-parents, dans le respect des traditions.
L’artisanat est bien sur omniprésent, avec les graveurs, sculpteurs et tailleurs d'os. Les grosses canines des cochons sauvages sont de formidables supports très prisés mais tous les os sont utilisés: chèvre, cheval, bœuf...
Colliers, couteaux, bracelets, boucles d'oreilles, chacun porte avec élégance ces trophées, travaux de patience, de dextérité et nécessitant un sens artistique aigu.
La pierre fleurie, spécialité de l'île est une curiosité géologique peu banale.
Au contact de l'atmosphère, la partie externe des aiguilles de phonolite encore chaude, a rapidement refroidi, en formant une sorte de croûte. Les gaz, emprisonnés, se sont peu à peu évacués en fumerolles par des fractures, emportant des éléments chimiques (calcium et fer) et ont permis la formation de fleurs jaunes. Le reste du caillou est composé de verre volcanique altéré de couleur brunâtre.
Des bijoux, des pilons, des statuettes sont fabriqués à partir de ces pierres, quasi précieuses.
La vie associative et sportive sur l'île rendrait jaloux un village métropolitain de même population. Deux terrains de foot, des terrains de jeux, un boulodrome, un imposant gymnase grand confort, des salles de danse sont autant d'infrastructures bien entretenues, et fortement utilisées.
Du mouillage, nous pouvions apercevoir en un seul tour d’horizon les danseuses, les boulistes, les joueurs de football, les rameurs, les baigneurs…tous s’activaient en musique, dans la quiétude du soir tombant.
Nous avons eu la chance d'assister à un concours de construction de pirogues traditionnelles.
À partir d'un imposant tronc d'arbre, chaque équipe de deux, armée de tronçonneuse et d'autres outils plus rudimentaires devait confectionner une pirogue à balancier. Nous avons suivi pendant trois jours le travail de ces artistes qui nous ont épatés par leur savoir faire, leur adresse manuelle, leur habileté et leurs sourires perpétuels, malgré la fatigue et la tension due à l'enjeu du concours.
Une importante course de pirogue était organisée. Des équipes venues de Papeete et des îles environnantes affrontaient les deux équipes locales.
Le départ fut donné sur une ligne imaginaire, entre notre catamaran et le bateau officiel, nous étions donc aux premières loges pour admirer la force et la belle coordination de ces rameurs, qui s’affrontèrent des heures durant dans une mer agitée par des vagues de plus d'un mètre.
L'équipe locale, habituée aux courants dans l'entrée de la baie, battit les champions tahitiens en surfant sur les gros rouleaux, la joie des supporters fut immense et la fête du soir, agrémentée d'un concert de Sabrina et Gabilou, fut, à la mesure du " kai-kai" servi, grandiose.
Pendant une grande partie de notre séjour, nous avons été les deux seuls touristes, notre catamaran semblait même un peu perdu dans la baie. Vite repérés et fort bien accueillis, nous avons eu l’opportunité de partager de bons moments, de faire de belles rencontres et de vivre au quotidien en mode Ua- Pou.
Patrick s'est initié avec Dominique à la pêche aux chevrettes, espèces de petites crevettes de rivière.
Avec les filles du club de danse, j'ai préparé des costumes végétaux. Me voilà donc capable d’arracher, avec les dents, la nervure centrale d'une feuille, de la passer sur le feu afin de l'assouplir, de confectionner une tresse, puis d'y fixer d'autres feuilles de couleurs et de tailles différentes pour la jupette. La couture des bouquets de feuilles et de fleurs pour les couronnes de tête demande plus d’entraînement mais je vais persévérer encore un peu...
La visite de cette ile corrobore tout le bien que nous pensions de l'art de vivre à la marquisienne, et nous aurions bien pu poser aussi nos valises ici, mais les îles du Sud des Marquises nous attendent, dès que le vent soufflera...