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S.D.F.

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De la burle aux alizés

Saltimbanques Des Flots

L’intra costale.

Il existe, en Amérique, une voie navigable permettant de relier le Sud de la Floride à la frontière canadienne.
Cette succession de canaux naturels ou artificiels, de bras de mer longe la cote Est, serpentant en traversant les pays suivants : Les Keys, la Floride, la Géorgie, la Caroline du Sud, la Caroline du Nord, la Virginie, le Maryland, le Delaware, le New-Jersey, l’état de New-York…

Elle nous semblait  peu  fréquentée à l’aller mais, au retour, nous faisons de belles rencontres dans les mouillages en retrouvant, chaque soir, plus ou moins les mêmes équipages.
A l’heure de l’apéritif, les liens se nouent vite, et les discussions vont bon train, chacun racontant sa navigation journalière et préparant celle du lendemain.
Des centaines de navires américains ou canadiens sont, à des dates choisies par les assurances,  en partance pour un hiver ensoleillé aux Bahamas ou dans les iles antillaises.
Par moment, nous avons l’impression d’accomplir une transhumance, et le ballet de ces nombreuses voiles, sillonnant les méandres et les contours des cours d’eau semble une chorégraphie aérienne et immaculée.

Pour nous rendre à New-York, nous avions emprunté cette voie par petits morceaux, en alternance avec des navigations maritimes, suivant les fenêtres météorologiques.
Au retour, nous avions décidé de la suivre de manière plus régulière, afin de visiter un peu plus l’intérieur des terres et d’aller découvrir les plus petits villages loin de la côte.
Le voyage par cette voie est, à lui seul, une véritable aventure.
La diversité des paysages rencontrés est impressionnante, les jours se suivent et nous apportent quotidiennement un lot de surprises.

Tantôt, nous longeons des forêts s’étirant sur des kilomètres, sur les berges l’eau et les vagues recouvrent les souches des arbres et la vigilance doit être constante.
A certains endroits, nous croisons des marécages et des marais en n’en plus finir et, au détour d’un virage, des habitations isolées, somptueuses maisons avec pontons privés.
Nous rencontrons des dauphins jusqu’au Cap May, des tortues dans les bras de mer, des milliers de méduses et nous avons la chance de surprendre un chevreuil se désaltérant le long de la rivière Alligator.
En fait, nous avons pris le chemin de migration des oies sauvages et, par centaines, elles nous accompagnent vers le Sud.
Quelques marinas accueillent les bateaux pour la nuit et leur proposent les services courants : douches, laveries, épiceries…
Nous traversons également des villes et découvrons de superbes cités comme Saint-Michaëls, Cambridge, Deltaville…
Certaines villes sont des escales techniques incontournables : Annapolis et son salon gigantesque, Fort Lauderdale, et un grand nombre de bateaux s’y arrêtent pour les petites ou grosses réparations

La navigation sur ces canaux est parfois simple, parfois semée d’embuches !
Notre principal souci est la hauteur des ponts. Sur les cartes la hauteur indiquée est de 65 pieds, ce qui devrait être pourtant correct pour notre tirant d’air, mais la réalité est différente. Par deux fois, le mat frôle le pont. A l’aller, notre girouette ne résistera pas au pont de Pungo River, au retour, notre feu de mouillage explosera sous le pont de Geoges town.
Une autre fois, nous attendons une journée en espérant le vent du Nord, qui, en créant une dépression, fait descendre le niveau de l’eau !
Nous avons franchi, à l’aller comme au retour, des dizaines de ponts à bascule, pivotant ou tournant, vu des mécanismes divers dont les photos plairont aux connaisseurs. Certains ouvraient à la demande, d’autres à heure fixe, ce qui nous a valu quelques ronds dans l’eau, le temps, grâce à notre antenne magique, de récupérer mails et météo.

Notre tracas vient également du fond que nous touchons de temps à autre, soit par la distraction du barreur, soit par la signalisation un peu aléatoire là où les sables bougent et où les hauts fonds traversent la route.
En général, Patrick s’en sort vite et bien, en faisant ronfler les moteurs ou à l’aide de la voile.
Néanmoins, nous sommes restés échoués une journée entière au bord du chenal en attendant que la marée remonte.
Les bateaux nous dépassant ont été extrêmement compatissants et serviables : deux ont essayé de nous tirer de cette mauvaise posture, en vain.
Bien que sans gravité apparente, ces incidents nous contraignent à reprendre la mer pour redescendre en Floride.

Merci à :
Suzie et Alain, de « Paradoxe » pour avoir partagé un bon bout de chemin avec nous, et bien plus encore…
Sylvie et Denis de « Dixou » pour leur soutien et leur efficacité lors du passage du pont contrariant